Hôtel fantôme de Cancun
comme la fois
La chica Del Pueblita
électriques étaient tordus, froissés comme de vulgaires boules de papier ; les maigres possessions des habitants gisaient ça et là, éparses. Évidem- ment, le paradis touristique qui s’étendait sur un long ruban de sable semé d’hôtels luxueux avait été englouti par des vagues de plus de dix mètres. La péninsule du Yucatán en entier était défigurée. El Pueblito est donc un cadavre, un vestige, un témoin. Je n’ai pu résister. Pour ne pas risquer d’être arrêté alors que des bikinis comptaient sur moi, j’ai attendu la fin du voyage. Puis, j’ai décidé de fausser compagnie à l’équipe et d’aller payer une petite visite à ce mastodonte abandonné. Enjambant la clôture, je me suis aventuré sur les lieux craintivement, le pas mal assuré. J’avais épié l’endroit souvent, au cours des derniers jours et il semblait habité par des squatteurs. Les multiples vendeurs de plage l’utilisaient comme base, ainsi que comme raccourci entre le sable et la route principale. Or, j’avais bien choisi ma journée : le dimanche la vie s’arrête au Mexique. Jour de foi, jour d’église, jour de congé : les lieux étaient déserts. Ou presque. En tout cas, il n’y avait pas là âme qui vive. Je suis d’abord tombé sur la piscine. Vide. On pouvait presque en- tendre les rires, les tintements des verres, les éclaboussures d’autrefois ; imaginer les femmes alanguies sur les transats de céramique jaillissant du fond du bassin. J’ai ensuite parcouru les lieux, lentement, en silence, une villa à la fois, chambre par chambre. Le crissement de mes pas était assourdissant. Dans chaque pièce où je m’aventurais, j’avais l’impression d’entrer chez quelqu’un ; partout, des signes de présence humaine jonchaient le sol : matelas, vieux téléviseurs, emballages, graffitis. Mais plus que tout, je me sentais observé. Comme si je savais, qu’il y avait quelqu’un. À tout 4 |
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moment, ce résident allait me chasser hors de l’hôtel, j’en étais sûr.
Pourtant, il n’y avait pas un chat, pas un rat : que moi.
C’est la nuque chatouilleuse et le regard souvent par-dessus l’épaule que j’ai fait quelques photos, tentant de saisir tout ce que l’endroit avait de surréel, d’en capter la douce étrangeté avec mon objectif.
Une ambiance lourde, inconfortable, emplissait chaque pièce.
J’y voyais un fantôme. Et je suis photographe. J’ai photographié.
Mais à ces clichés, il manquait mon spectre. Celui que j’avais rap- porté dans ma tête, dans mes valises, mais pas sur la pellicule. Celle que j’avais rapportée, devrais-je dire. Parce que c’était une « elle ».
Ça m’obsédait alors je l’ai fait revivre, je l’ai obligée à rôder dans l’hôtel des photos, comme elle errait dans le vrai : La chica del Pueblito.